Un projet de loi en faveur de l’activité professionnelle indépendante, devant entrer en vigueur en 2022, refond le statut de l’entrepreneur individuel en assurant à ce dernier une protection élargie et simplifiée de son patrimoine personnel.
2022 devrait voir la création d’un statut unique pour l’entrepreneur individuel avec une extension de la protection de son patrimoine personnel. Plus protecteur et plus simple pour l’entrepreneur en nom propre, le nouveau cadre juridique envisagé en faveur de l’activité professionnelle indépendante trouve son fondement dans un constat simple : les trois quarts des créateurs d'entreprises optent pour le statut de l'entreprise individuelle, laissant par conséquent leur patrimoine personnel faiblement protégé, tandis que seuls 3% des indépendants optent pour le statut de l’EIRL (entrepreneur individuel à responsabilité limitée). 3 millions de travailleurs indépendants que le législateur-opportunité calendaire ou non- a entendu prendre en compte, à travers une vingtaine de mesures de nature juridique, fiscale et sociale.
Parmi les objectifs de la réforme, la fusion du régime de l’entrepreneur individuel et celui de l’EIRL en un statut unique d’entrepreneur individuel, une protection simplifiée et étendue du patrimoine personnel de ce dernier, le passage facilité d’une activité en nom propre à une exploitation en société mais aussi la suppression à terme du statut de l’EIRL.
Protection insuffisante du patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel
A l’heure actuelle et aux termes de l’article L. 526-5-1 du code de commerce, toute personne physique souhaitant exercer une activité professionnelle en nom propre déclare, lors de la création de l'entreprise, si elle souhaite exercer en tant qu'entrepreneur individuel ou sous le régime de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée, l'entrepreneur individuel pouvant également opter à tout moment – et pas seulement lors de la création - pour le régime de l'EIRL.
Remarque : C'est en 2010 que le régime de l’EIRL a été créé (L. n° 2010-658, 15 juin 2010) offrant ainsi aux entrepreneurs la possibilité de limiter leur responsabilité en constituant un patrimoine d’affectation dédié à leur activité professionnelle, sans constituer de société, la constitution de ce patrimoine affecté résultant du dépôt d’une déclaration. Le statut de l’EIRL n’a toutefois pas rencontré le succès escompte et la pratique a montré que « l'entrepreneur individuel n'opte généralement pas pour le statut de l'EIRL parce qu'il ne souhaite pas entreprendre d'autres démarches que celles relatives à la déclaration de son activité professionnelle et à son immatriculation. Dans ce cas, il relève, par défaut, du statut de l'entrepreneur individuel. Sous ce statut, l'entrepreneur individuel est responsable indéfiniment, sur l'ensemble de son patrimoine, des dettes contractées à l'occasion ou du fait de l'exercice de son activité professionnelle » (étude d’impact du projet de loi).
Malgré diverses mesures législatives renforçant encore la protection de l’entrepreneur individuel ou allégeant les formalités (Loi Macron n° 2015-990 du 6 août 2015 rendant la résidence principale de l’entrepreneur exerçant en son nom propre insaisissable de plein droit pour la liquidation des dettes professionnelles, Loi PACTE du 22 mai 2019 supprimant l’obligation d’établir un état descriptif en l’absence d’élément à affecter au patrimoine professionnel) et une forme sociale unipersonnelle qui présente pourtant l’avantage de notamment limiter en principe la responsabilité de l’associé au montant de ses apports, les trois quarts des créateurs d'entreprises continuent d’opter pour le statut de l'entreprise individuelle, laissant le patrimoine personnel des entrepreneurs indépendants faiblement protégé.
Le régime de l’EIRL va donc être progressivement supprimé, le nouveau régime de l’entrepreneur individuel devant permettre d’assurer à tout indépendant exerçant en nom propre une protection du patrimoine personnel équivalente à celle proposée par l’EIRL, complexité en moins.
Dualité patrimoniale de l’entrepreneur individuel
Le patrimoine de l’entrepreneur individuel va être divisé en un patrimoine personnel et un patrimoine professionnel, la clef de répartition entre les deux étant définie par la loi, sans que cette scission ne nécessite aucune démarche de sa part.
Titulaire de plein droit de deux patrimoines, l’entrepreneur individuel ne serait ainsi plus soumis à aucun formalisme et l'insaisissabilité de la résidence principale serait étendue à l'ensemble de son patrimoine, à l'exclusion de son patrimoine professionnel constitué des biens, droits, obligations et sûretés « utiles » à son activité ; seuls ces éléments pourront donc être saisis, en cas de défaillance professionnelle, par ses créanciers dont les droits sont nés à l'occasion de son activité professionnelle.
Le gage général des créanciers professionnels et personnels serait ainsi limité au patrimoine correspondant, mais avec la possibilité néanmoins pour l’entrepreneur individuel de renoncer à la protection de son patrimoine personnel en recourant à des sûretés conventionnelles, en faveur d'un créancier et à l'occasion d'un engagement déterminé.
A cet égard, les débats parlementaires ont fait ressortir plusieurs réserves sur la notion « d’utilité » des biens affectés à l’activité professionnelle. A l’heure actuelle, dans le régime de l'EIRL, l'entrepreneur fait une déclaration dans laquelle il liste les biens qu'il affecte à son patrimoine professionnel ; sous le nouveau régime, la définition du patrimoine professionnel est générique puisque ce sont les « biens, droits et obligations et sûretés dont l'entrepreneur est titulaire et qui sont utiles à l'activité indépendante ». Une définition qui peut donc être sujette à interprétation en cas de contentieux.
Autre réserve, en étendant la protection du patrimoine personnel, les créanciers verront le périmètre de leur droit de gage réduit à l'assiette des biens, droits, obligations et sûretés utiles à l'exercice de l'activité professionnelle, ce qui risque d’assécher les crédits. Les créanciers pourraient donc exiger de nouvelles garanties, des sûretés spéciales sur certains biens, voire une renonciation à la protection du patrimoine personnel. Ces réserves vont naturellement conduire à adapter les dispositions relatives aux situations tant de surendettement des particuliers que celles relatives aux entreprises en difficulté.
Remarque : des garanties sont néanmoins offertes aux organismes sociaux en cas de manœuvres frauduleuses ou d'inobservations graves et répétées au règlement des cotisations et contributions sociales et la dualité patrimoniale introduite par le nouveau statut de l'entrepreneur individuel ne serait alors pas opposable à ces organisme ; des garanties sont également prévues pour le recouvrement des impôts, en autorisant que le recouvrement puisse être opéré indistinctement sur le patrimoine professionnel ou personnel du redevable, dans certains cas bien spécifiques, sans autorisation préalable du juge.
Mise en extinction du régime de l’EIRL et passage facilité de l’entreprise individuelle vers l’exploitation en société
Les entrepreneurs exerçant déjà sous le statut d’EIRL pourront conserver ce statut, recourir à la technique sociétaire ou adopter le statut d’entrepreneur individuel.
Si un entrepreneur individuel, qui n’exerce pas sous le régime de l’EIRL, reprend l’activité d’un travailleur indépendant qui, lui, exerçait en EIRL, c’est le nouveau statut d'entrepreneur individuel qui s’appliquera : les biens, droits, obligations et sûretés ainsi acquis ou reçus, qui sont utiles à son professionnelle, constitueront son patrimoine professionnel.
La mise en extinction du régime de l’EIRL s’appliquera dès le lendemain de la publication de la loi.
Enfin, pour faciliter la transformation de l'entreprise individuelle en société, le patrimoine professionnel pourrait être transmis entre vifs à un tiers, en tant qu'universalité. Il s’agit de permettre le recours à un mécanisme produisant les effets d'une transmission universelle du patrimoine professionnel de l'entrepreneur individuel.
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